Le projet de loi C-384 constitue la troisième tentative de la députée Francine Lalonde de faire adopter un texte législatif reconnaissant le « droit de mourir avec dignité ». Il entraînerait la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté au Canada.
Le Code criminel définit le suicide assisté comme toute démarche en vertu de laquelle un individu « conseille à une personne de se donner la mort; ou aide ou encourage quelqu’un à se donner la mort. » [1] Une telle démarche est formellement interdite en vertu de l’article 14 du Code criminel. [2]L’euthanasie est définie comme « l’interruption de la vie par un médecin à la demande d’un patient. » [3]L’article 229 du Code criminel associe l’euthanasie à un meurtre. [4]
Voici les problèmes que soulève le projet de loi:
De nombreuses études ont mis en relief une forte corrélation entre le désir de suicide assisté ou d’euthanasie et la dépression. [5] La dépression peut être traitée au moyen de médicaments ou de counseling. Il en va de même de l’angoisse mentale causée par la dépression.
Le Dr Harvey Chochinov, un chef de file reconnu internationalement pour ses recherches dans le domaine des soins palliatifs, a constaté que les patients en phase terminale peuvent recouvrer leur dignité grâce à certaines thérapies. [6]
Pourtant, une étude effectuée en 2008 sur le suicide assisté dans l’Orégon conclut qu’un petit nombre de patients déprimés se sont vus offrir des produits chimiques toxiques et en sont morts sans qu’on leur ait recommandé une forme quelconque de counseling, comme le prescrit la loi sur la mort dans la dignité de cet État (Oregon’s Death with Dignity Act). [7]
Contexte international
En 1981, les Pays-Bas ont légalisé l’euthanasie (au Canada, on parle de suicide assisté) en prévoyant des dérogations à certaines lois et l’adoption de directives semblables à celles que l’on trouve dans le projet de loi. Aux Pays-Bas, neuf ans après la légalisation du suicide assisté pour les patients en phase terminale:
En 2002, des médecins d’une province des Pays-Bas ont proposé le Protocole de Groningern, un ensemble de directives prévoyant qu’un médecin peut décider, sans violer une loi, de tuer des enfants gravement handicapés. [10]
Le 2 avril 2009, le Times of London signalait que le directeur de Dignitas, un Clinique d’euthanasie suisse, a demandé au gouvernement suisse l’autorisation d’euthanasier l’épouse d’un homme en phase terminale en même temps que ce dernier. Le motif invoqué par la Clinique était que, bien qu’en bonne santé physique, l’épouse en question était éperdue à la pensée de devoir vivre sans son mari. [11]
Le Dr Margaret Cottle, spécialiste des soins palliatifs et enseignante clinique à l’Université de Colombie-Britannique propose l’observation suivantes, qui s’applique aussi bien à la décision de Dignitas qu’au projet de loi de Mme Lalonde:
« L’euthanasie tue le patient deux fois: une première fois, lorsque vous observez la vie du patient et déclarez ‘Oui, vous avez raison, votre vie ne vaut pas la peine d’être vécue.’; et une deuxième fois lorsque vous tuez effectivement le patient. » [12]
La mort n’est pas une thérapie. La souffrance, qu’elle soit mentale, physique ou spirituelle, peut être traitée.
La légalisation du suicide assisté peut satisfaire une minorité qui aspire à contrôler le moment de leur mort, mais elle est susceptible d’influencer un nombre beaucoup plus important de personnes pour qui la continuation de la vie ou un traitement paraîtront trop coûteux en regard de la nouvelle possibilité de choisir la mort.
Le Code criminel, article 241. Consulté le 15 juin 2009 (http://laws.justice.gc.ca/en/ShowDoc/cs/C-46/bo-ga:l_VIII:boga:l_IX/20090612/en?page=6&isPrinting=false#codese:241). Une telle démarche est formellement interdite en vertu de l’article 14 du Code criminel.
Ibid, article 14. Consulté le 15 juin 2009 (http://laws.justice.gc.ca/en/ShowDoc/cs/C-46/bo-ga:l_VIII::bo-ga:l_IX/20090612/en?page=6&isPrinting=false#codese:29).
Ministère des affaires étrangères de la Nouvelle Zélande. (2008).Euthanasie FAQ. Consulté le 15 juillet 2009 (http://www.minbuza.nl/binaries/en-pdf/faq-2008/faq-euthanasie-2008-en.pdf).
Cours suprême du Canada (2001). R. c. Latimer. CSC1, [2001] 1 R.C.S. 3. Consulté le 15 juillet 2009 (http://scc.lexum.umontreal.ca/en/2001/2001scc1/2001scc1.html) . Voir la définition du terme homicide dans le Code criminel du Canada, article 229, consulté le 15 juin 2009 (http://laws.justice.gc.ca/en/ShowDoc/cs/C-46/bo-ga:l_VIII::bo-ga:l_IX/20090612/en?page=6&isPrinting=false#codese:229).
Emmanuel, E.J. (2005). Depression, euthanasia, and improving end-of-life care. Journal of Clinical Oncology 23:6456-8., Wilson, K.G., Chochinov,H.M., McPherson, C.J., Skirko, M.G., Allard, P., Chary, S., et al. (2007). Desire for euthanasia or physician-assisted suicide in palliative cancer care.Journal of Health Psychology 26:314-23., Rosenfeld, B., Breitbart, W., Gibson, C., Kramer, M., Tomarken, A., Nelson, C., et al. (2006). Desire for hastened death among patients with advanced AIDS. Psychosomatics. 47:504-12., Werth, J.L. Jr. (2004). The relationships among clinical depression,suicide, and other actions that may hasten death. Behavioral Science and the Law 22:627-49., Chochinov, H.M., Wilson, K.G., Enns, M., Mowchun,N., Lander, S., Levitt, M., et al. (1995). Desire for death in the terminally ill. American Journal of Psychiatry 152:1185-91.
Chochinov, H. (2002). Dignity Conserving Care-A New Model for Palliative Care. Journal of the American Medical Association. Volume 287,no 17, p. 2253-2260
Ganzini, L., Goy, E.R., Dobscha, S.K. (2008). Prevalence of depression and anxiety in patients requesting physicians’ aid in dying: cross sectional survey. British Medical Journal 2008;337:a1682. Consulté le 15 juin 2009 (http://www.bmj.com/cgi/content/full/337/oct07_2/a1682).
van Delden, J., Pijnenborg, L. et van der Maas, P. J. (1993). "The Remmelink Study: Two Years Later," Hastings Center Report 23, no. 6 , 24-27. p. 24
[9] Ibid, p.25
[10] Verhagen, E., Sauer, P. (2005). The Groningen Protocol — Euthanasia in Severely Ill Newborns. New England Journal of Medicine, volume 352:959-962. Tableau 2. Consulté en ligne le 15 juin 2009 (http://content.nejm.org/cgi/content/full/352/10/959/T2).
[11] Brown, D. (3 avril 2009). Dignitas founder plans assisted suicide of healthy woman. The Times Online. Consulté le 15 juin 2009 (http://www.timesonline.co.uk/tol/news/world/europe/article6021947.ece).
[12] Stirk, F. (2006). A Natural Death: An Interview with Dr. Margaret Cottle.Revue de l’IMFC, Printemps/Été 2006. Consulté le 15 juin 2009 (http://www.imfcanada.org/article_files/A_natural_death.pdf).
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